Colère du monde agricole : bio ou pas, le revenu et la reconnaissance avant tout !
- UNAB
- il y a 4 jours
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 3 jours

Elle est de retour, encore et toujours, la colère agricole. C’était couru d’avance : aucune des décisions européennes prises ou en voie d’être prise depuis les manifestations agricoles de l’an dernier n’ont vraiment tenté de changer le fond du problème : le revenu, la qualité de vie des agricultrices et agriculteurs, la reconnaissance du travail quotidien. Au contraire ?
Mercosur maintenu, PAC noyée et allégée, phytos autorisés sans limite de temps, conditionnalités abandonnées, recours accru aux biocarburants vs. Productions vivrières, dérégulation des NGT…. TOUT va contribuer à déforcer nos agriculteurs, leur image, leur résilience, leur revenu, et augmenter leur dépendance. Sans parler des impacts sociétaux.
Car les grandes manifestations de février 2024 ont permis aux grands lobbys (économiques et politiques) de dépecer les mesures de régulation environnementale et économique sous couvert de « simplification », sans jamais adresser les demandes de fond : offrir un revenu correct aux agriculteurs, réguler les marchés, garantir des justes prix pour une alimentation locale de qualité, arrêter de favoriser l’importation de denrées agricoles de basse qualité, créer les conditions d’une transition agricole qui renforce nos producteurs et notre souveraineté alimentaire.
Notre secteur semble condamné à être déchiré entre lobbys industriels et agroalimentaires qui veulent déréguler sous couvert de protection du secteur…et autorités environnementales ou de santé publique qui tentent de rattraper les errements des premiers. Laissés sans vision d’avenir dans ce contexte malsain, 77% d’entre-nous se trouvent en détresse psychologique en Wallonie, selon une récente étude de l’UCL.
Les agriculteurs.rices bio sont agriculteurs avant tout. A ce titre, nous rejoignons les revendications du secteur sur les points clés : le refus du Mercosur (et des accords de libre-échange) et la nécessité d’une PAC forte et centrée sur la transition agricole.
Il est en effet urgent et fondamental de revenir sur les accords tels que le Mercosur, qui font peser le poids d’une concurrence déloyale sur tous les modèles agricoles, y compris l’agriculture biologique. Le cahier des charges bio ne protège pas des importations massives à prix cassés.
Comme un contre-pied pour permettre à l’agriculture UE de se renforcer face à la concurrence mondiale, la future PAC doit être clairement renforcée et revue en faveur de la transition agroécologique de l’agriculture et du renouvellement des générations. A ce stade, il est pourtant permis de croire que les tensions budgétaires internes à chaque Etat membre vont peser lourd sur l’enveloppe dédiée à l’agriculture. A ce jeu-là, l’agriculture perd toujours. Et spécifiquement les agriculteurs.rices prêts à tomber les œillères pour changer de modèle et celles et ceux déjà engagé.e.s dans la transition.
A ces revendications structurelles, nous ajoutons :
Les obligations CS3D et CSRD doivent être maintenues pour garantir un minimum de prise de conscience de l’impact des entreprises agroalimentaires sur le secteur agricole.
Les marchés doivent être régulés pour garantir des prix minimums dans un contexte de marchés ultra-fluctuants.
Nous condamnons toutefois les errements actuels des institutions européennes et des lobbys qui instrumentalisent les agriculteurs.rices dans leur intérêt. La dérégulation n’est qu’un leurre, ne refaisons pas 100 fois les mêmes erreurs.
La dérégulation dessert les agriculteurs.rices sur le long terme, en poursuivant le mirage d’une compétitivité impossible face à des fermes brésiliennes de 2000ha. Notre salut viendra de notre capacité à travailler avec la nature et à créer des débouchés valorisés justement sur notre continent.
Un nouveau récit agroécologique
Il y a une autre voie : celle d’une production agricole et alimentaire réellement durable qui serait enfin considérée comme une politique stratégique à protéger du Marché. Celle d’un secteur nourricier en phase avec les citoyens.nes qui serait entouré par l’ensemble des pouvoirs publics pour en assurer les conditions d’existence et en récolter les externalités positives. Celle d’une agriculture ancrée dans le territoire, basée sur l’autonomie et sur un rapport apaisé à l’élevage et au vivant.
C’est le récit qui peut s’engager autour de l’agriculture biologique, notamment : politiques économique, fiscale, environnementale, de santé, d’emploi, climatique, d’aménagement du territoire, enseignement, enfance,… tous ces secteurs, qui tireraient des bénéfices gigantesques d’un modèle agroalimentaire basé sur une agroécologie forte, peuvent agir. Nous appelons cette alliance sacrée pour l’alimentation. Ce n’est qu’en s’accordant sur ce récit positif que nous pourrons imaginer un autre modèle agricole et enfin quitter celui-ci, voué à faire disparaître petit à petit nos paysans.
L’Union européenne feint de ne pas comprendre. Tant pis. A son niveau, la Wallonie a la chance de pouvoir initier ce mouvement sur un territoire à taille humaine. Elle bénéficie d’un écosystème agricole dynamique, de sols fertiles, de paysages ruraux préservés…et d’un réseau solide de 2000 agriculteurs bio (1 paysan sur 7) qui ouvrent la voie d’un modèle alternatif.
Aujourd’hui, même les plus engagé.e.s vivent difficilement de leur travail. Mais il n’en faudrait pas beaucoup pour que la Wallonie devienne une nouvelle « Bio-vallée » qu’on nous envierait et qui remettrait les agricultrices et agriculteurs, heureux d’enfin nourrir sans souffrir, au centre du jeu.
Qu’est-ce qu’on attend ?
Contact presse :Thierry Van Hentenryk | UNAB | thierry.vh@unab-bio.be – 0494/394113
À propos de l’UNAB
L'UNAB défend les agriculteurs·rices bio de Wallonie depuis 1984, sur le terrain et dans toutes les instances politique wallonnes. L’UNAB est aujourd'hui reconnue par le gouvernement Wallon comme LE syndicat agricole qui défend explicitement et directement le secteur Bio, ses agricultrices et ses agriculteurs.